La première édition du Luxemburger Wochenblatt (feuille hebdomadaire luxembourgeoise) parut samedi 7 avril 1821 à compte d’auteur, comme on l’apprit plus tard, imprimée au Luxembourg chez Jacques Lamort. Le rédacteur, Friedrich-Georg Weiß de Breslau, aujourd’hui Wroclaw, était auparavant secrétaire au commissariat prussien de la forteresse. Étant donné que le journal, comme de nombreux journaux provinciaux européens de son époque, ne rapportait que peu d’argent, Weiß gérait en outre un « bureau de pétitions » au Marchéaux- Poissons, où, d’après des annonces dans son journal, il accomplissait toutes sortes de travaux d’écriture, vendait des assurances contre les incendies et servait d’intermédiaire dans l’immobilier.
Le premier numéro montrait, au-dessus d’un bandeau chargé de fioritures, une gravure primitive de la ville fortifiée par F. J. Maisonet, qui disparut à partir de l’édition suivante. À l’exception peut-être d’un courrier de lecteur en français ou d’un avis en néerlandais, le premier journal du Luxembourg rédigé en langue allemande était un bulletin de liaison de style Biedermeierdestiné à la bourgeoisie et aux officiers prussiens de la petite ville fortifiée. De brèves nouvelles de l’étranger, vraisemblablement recopiées d’autres journaux, alternaient avec des avis, des nouvelles locales et des annonces.
Comparé aux journaux de l’Ancien Régime, le Luxemburger Wochenblatt accordait une grande attention aux nouvelles locales. Il adoptait aussi un nouveau ton, célébrait la guerre d’indépendance grecque avec la devise « La liberté ou la mort ! » (1.4.1826), réclamait la liberté de la presse et remettait en question les pratiques religieuses catholiques - l’imprimeur était Jacques Lamort, fils de Claude Lamort, un franc-maçon connu. Dans un patriotisme romantique typique du début du XIXe siècle, le Silésien Weiß s’essaya à des chroniques d’histoire locale et à la poésie, célébra, dès les premiers numéros, le Grand-Duché de Luxembourg (21.4.1821) et s’inquiéta du sort des manuscrits et oeuvres d’art de la patrie (12.5.1821). Dans la forteresse, il faisait une large publicité pour chaque représentation théâtrale et il signalait régulièrement la nécessité d’une salle de théâtre. La prédilection romantique pour tout ce qui était populaire donna naissance aux premiers textes imprimés en luxembourgeois (14.4.1821, 8.5.1824, 10.12.1825).
En restant dans les limites fixées par le style Biedermeier, les lecteurs écrivant au journal s’indignaient contre le manque d’égards des cochers de fiacre (1.3.1823, 25.9.1824), les coins de rue sales et l’abattage de deux arbres sur la place d’Armes (25.2.1826), mais commençaient également à soulever des questions sociopolitiques. On répertoria des arrivants étrangers dans la ville, tout comme l’auberge où ils étaient descendus, ainsi que des accidents de travail, un pyromane meurtrier de 10 ans à Junglinster (31.1.1824), des débats judiciaires et des artistes forains qui avaient exposé deux crocodiles vivants (26.11.1825) ou un orateur turc (29.1.1825).
Albert Calmes reproche au journal d’avoir encensé les officiers de la garnison, le roi grand-duc et son gouverneur et d’avoir passé sous silence les débats politiques aux Pays-Bas ainsi que les difficultés économiques et les lourdes charges fiscales au Luxembourg.
Lors de la création de l’hebdomadaire, la forteresse comptait 10 113 habitants pour une garnison d’environ 6 000 hommes.4 Parmi le lectorat figuraient, si l’on en croit un courrier de lecteur du 19 mai 1821, des pasteurs, des enseignants, des juges, des avocats, des notaires, des juristes, des fonctionnaires, des commerçants, des fabricants, des bourgeois, des propriétaires terriens, des gens de la campagne, des officiers, etc.
Le Luxemburger Wochenblatt paraissait chaque samedi sur huit pages au format in-quarto 18 x 16 cm. Une note du 29 mai 1821 nous apprend qu’un porteur distribuait le journal à l’intérieur de la forteresse jusqu’au soir du jour de sa parution. Les abonnés vivant dans l’arrièrepays avaient moins de chance. En effet, dans une brochure5 rédigée en 1896, l’auteur anonyme se souvient qu’il n’existait de service postal ni en 1816 ni pendant les années suivantes ; tous les quinze jours, un messager de la circonscription ne faisait qu’apporter à pied le Mémorial et la correspondance officielle aux bourgmestres.
Les abonnements pouvaient être souscrits à l’imprimerie Lamort. L’abonnement pour les lecteurs locaux coûtait 3 francs par trimestre, les lecteurs du reste du pays devaient payer 3,50 francs.
À 4 sols la ligne, le tarif des petites annonces était si bas que, pour les lecteurs, cela valait même la peine d’insérer des annonces pour retrouver leur parapluie oublié ou récupérer leur feutre échangé par erreur. Assez souvent, des annonceurs impatients réclamaient également des livres qu’ils avaient prêtés. Les quelques annonces commerciales faisaient de la publicité pour des bains publics, des fleurs ou des harengs.
La dernière édition conservée du Luxemburger Wochenblatt parut le 8 juillet 1826, après cinq ans d’existence. Une semaine auparavant, l’imprimeur Lamort avait commencé à publier un nouveau journal. D’après une lettre du gouverneur Willmar6, Weiß était ruiné et ne pouvait plus payer son imprimerie. Weiß finit dans la misère.
Tiré de : Hilgert, Romain : Les journaux au Luxembourg, 1704-2004. Luxembourg : Service information et presse, 2004, p. 187. (Tous droits réservés)